Isaure de Larminat

© J. Vial

Dessinatrice, graveur et peintre diplômée de l’Ecole nationale supérieure des Arts Décoratifs de Paris, Isaure de Larminat utilise des techniques traditionnelles, lentes comme la gravure ou rapides comme le croquis au fusain, pour capter dans un geste le plus précis possible, l’empreinte laissée par un texte, un paysage, une musique…

C’est entre autre dans la poésie, textes de Saint-John Perse et de Péguy, extraits bibliques, mais aussi chez des auteurs contemporains tels que François Montmaneix ou Dominique Sorrente, qu’elle puise son inspiration. La gravure est pour elle ce temps long et méditatif qui lui permet d’approfondir un texte, de nouer un rapport intime avec les phrases et avec les mots.

Les mots font résonner en moi des images.

Isaure, qu’est-ce qui vous lie à Péguy ?

Péguy est un écrivain universel, humain, en profonde recherche spirituelle. Je suis particulièrement sensible au rythme de ses phrases. Elles s’écoulent, semblent se redoubler, sans jamais vraiment se répéter, alternant musique et silence, temps fort et repos. J’ai voulu qu’on retrouve ce rythme, cet équilibre, dans la composition de mes gravures.

Quelle est votre lecture de Présentation de la Beauce à Notre-Dame de Chartres ?

Présentation de la Beauce à Notre-Dame de Chartres, c’est un pèlerinage. J’ai fait à pied le chemin qui mène à Chartres, et j’ai été frappée de retrouver les paysages exactement comme Péguy les avait décrits. Pour moi, cette marche vers Chartres représente le pèlerinage de toute l’humanité. Pour chacun, cela veut dire, entrer tout entier dans sa quête, de manière très incarnée.

Vos gravures jouent sur les deux registres : un registre plutôt abstrait, spirituel, et un registre plus « incarné ». Quelles sont les deux techniques que vous avez utilisées ?

J’ai effectivement utilisé deux techniques différentes :

  • la collagraphie ou gravure sur carton : assemblage de divers objets ou matières collés sur la plaque. Les matrices constituées par ces collages peuvent être imprimées soit en creux soit en relief. Ici, cette technique s'apparente à la gravure en taille douce, gravure en creux.
  • la xylogravure ou gravure d’épargne sur bois, dite aussi en relief

Les gravures sur bois, avec leur aspect brut, sont du côté « incarné » du texte. Péguy vient d’un milieu simple d’artisans ; sur le chemin, il a mal aux pieds… A côté, les collagraphies correspondent à une lecture spirituelle, plus « en creux ».

Vous êtes membre d’une association de graveurs Rhône Alpins L’Empreinte, qui réalise et édite des livres d’artistes. Comment expliquez-vous ce lien qui unit les graveurs avec l’objet « livre » ?

Le graveur et l’écrivain travaillent à partir des mêmes matériaux : le papier, l’encre et le multiple. Le tandem gravure-texte a quelque chose d’évident. C’est pourquoi, les livres d’artistes édités par L’Empreinte font très souvent dialoguer plasticiens et écrivains. Le Fleuve, Le Bestiaire, Frontière et dernièrement Envol, rassemblent les œuvres originales de graveurs qui se sont attachés à dégager de la planéité de la plaque ou du blanc du papier la vision que leur inspire un texte d’auteur.