17 rue Mazagran

"Passant, souviens-toi que la vie est brève"

Cette maxime n’est pas l’intitulé (accrocheur ? ) d’une conférence au Collège supérieur mais l’une de celles qu’un passant vivant au IIème siècle après Jésus Christ, se hasardant dans la nécropole romaine, aurait pu lire en se rendant rue Mazagran. L’interrogation philosophique n’y est donc pas nouvelle. En effet, dans l’axe de l’actuelle rue Sainte Hélène se trouvait un point de passage sur le Rhône permettant de gagner la route de Rome, notre actuelle rue de l’Université. La voie romaine était alors bordée de tombes en raison de l’interdiction d’inhumer les morts à l’intérieur de la cité. Cette interdiction ayant disparu au Moyen-Age, la nécropole décline. Le point de passage sur le Rhône est déplacé en amont, là où le pont de la Guillotière est construit. Les blocs tirés de la vieille nécropole romaine ont vraisemblablement servi à sa construction ainsi qu’à celle de la tour fortifiée de Béchevelin. Cette tour, aujourd’hui disparue, avait été construite sur une motte, levée de terre la protégeant des crues du Rhône, contrôlait le passage sur le fleuve. Dans le prolongement du pont de la Guillotière, qui relie la rue de la Barre à la place du Pont (actuelle place Gabriel Péri), il y a la grande rue de la Guillotière et la route d’Italie. Le quartier Mazagran est alors excentré et en zone inondable. Comme dans tout l’est lyonnais il devait y avoir quelques constructions en pisé, c’est-à-dire en terre, qui ne résistent pas aux fréquentes crues du Rhône. La mise « hors d’eau » n’intervient que dans la seconde moitié du XIXème siècle avec la construction de la digue dite de la Vitriolerie, actuel quai Claude Bernard. Sur les terrains ainsi regagnés sont bâties la faculté des sciences dans les années 1870, aujourd’hui campus des berges de l’université Lyon 2 et la faculté de droit et de lettres à l’extrême fin du XIXème siècle, aujourd’hui site des quais de l’université Lyon 3.

La rue Mazagran est ainsi nommée en souvenir d’un fait d’armes survenu lors de la conquête de l’Algérie par les troupes françaises en 1840. Une poignée de soldats français, retranchée dans le hameau de Mazagran, résista à une vague de plusieurs milliers d’Arabes conduits par le second d’Abd el Kader. Ce dernier fut l’âme de la résistance à la France lors de la conquête de l’Algérie mais une fois vaincu, il devint l’un des plus fidèles alliés de la France. Il résida en Syrie et, lors d’une émeute contre les chrétiens à Damas il sauva nombre d’entre eux en leur ouvrant les portes de son palais. Ce geste généreux lui valut la grand croix de la légion d’honneur. Pendant la bataille de Mazagran, le temps manquait pour se restaurer, les français créent alors un mélange revigorant comprenant entre autre du café et de l’alcool auquel fut donné le nom de mazagran. Ce terme est passé du contenu au contenant. - JBV -

Bibliographie :

  • AUDIN, Lyon miroir de Rome
  • Collectif, Le pont de la Guillotière
  • HENRY, Des mots qui ont une histoire, TALLENDIER, 1991, p. 142
  • MALET ISAAC, L’époque contemporaine p. 566